Colloque interdisciplinaire sur le merveilleux

 

Chaire La philosophie dans le monde actuel (Université Laval)

Musée de la civilisation

Institut Canadien de Québec

Québec en toutes lettres

Studio P

 

Phénoménologie du merveilleux : désir, vie et être

(Résumé introductif)

 

Le présent colloque se propose de rendre compte de la place essentielle qu’occupe le merveilleux dans le domaine des sciences humaines et les nouvelles formes qu’il prend au 21ième siècle. Par les différentes interventions provenant de disciplines aussi diverses que la philosophie, la théologie, les sciences de l’art, la littérature et l’anthropologie, nous voulons présenter un réexamen du merveilleux à partir d’une perspective épistémologique et ontologique.

 

À travers un parcours dans l’espace – l’Égypte des gnostiques, les Amériques latines, les Caraïbes, le Québec, le Grand Nord et l’Australie - et dans le temps, les communications questionneront d’une part le sens du merveilleux en lien avec la vie et montreront d’autre part en quoi l’émerveillement constitue un outil critique dans l’apprentissage des « humanités. » 

Phénoménologie du merveilleux : désir, vie et être  

(Texte Introductif)

 

            Le merveilleux occupe une place essentielle dans l’histoire de la philosophie. Le présent colloque se propose d’en rendre compte à la lumière de trois concepts : le désir, la vie et l’être. Par les différentes interventions, nous voulons présenter un réexamen du merveilleux à partir d’une perspective épistémologique et ontologique.

            Quoique relevant d’une praxis, le merveilleux questionne le désir. En tant que manque, recherche, quête de sens, il tend vers la connaissance. Dans  L’imagination et le merveilleux – La pensée et l’action Pierre-Maxime Schuhl décrit le merveilleux comme « une attitude, une conduite, en même temps qu’une pensée. » À ce titre, il se rapporte à l’émerveillement et l’étonnement. Selon Platon, le « s’émerveiller » (to thaumazein) est à l’origine de la philosophie (Théétète 155d). Dans la Métaphysique (982a) d’Aristote, il apparaît comme ce qui nous délivre de l’ignorance et nous permet de nous interroger sur la totalité de la « réalité universelle » (Pierre Mabille).

 

            L’accent sera mis aussi sur le rapport que le merveilleux entretient avec la vie. Cette dimension est abordée autant chez des philosophes que des littéraires, tels Edmond Husserl, Martin Heidegger, Michel Henry, Jorge Luis Borges, Jacques-Stephen Alexis, Alejo Carpentier, etc.

 

            En tant que « désir de savoir » (Aristote), le merveilleux constitue par ailleurs une stimulation pour le progrès des disciplines scientifiques et humaines. Cependant, selon Husserl, l’oubli de son ancrage dans l’étonnement (thaumadzein) rattaché au monde de la vie (la lebenswelt) est à l’origine de la crise des sciences. Nous nous intéresserons non seulement à la critique de la phénoménologie qui va jusqu’à Michel Henry mais également à celle formulée par la critique littéraire. Quelle relation établir entre ce que le premier manifeste du surréalisme (1924) appelle « le rationalisme absolu » et cette crise des sciences dont parle Husserl ? Quel rôle le merveilleux peut-il jouer aujourd’hui dans la formation de la pensée critique ? Quelle est sa place actuelle ou quelle doit être sa place dans les « humanités » ?

 

            Au-delà des questionnements liés à la connaissance, le colloque souhaite dégager de nouvelles pistes de recherches philosophiques sur l’ontologie. S’inscrivant dans le cadre du premier festival Québec en toutes lettres, de l’Institut Canadien de Québec, consacré en 2010 à Jorge Luis Borges, certaines communications traiteront de l’avènement ou de la présence du merveilleux dans la littérature latino-américaine et caribéenne. Ce type de merveilleux, bien qu’ayant subi l’influence du surréalisme, découle des représentations de la pensée doxique et d’une certaine façon de concevoir le soi, ainsi qu’on le retrouve dans les essais, romans et nouvelles de Gabriel Garcías Márquez, Augusto Roa Bastos, Jacques Roumain et beaucoup d’autres. L’interrogation du merveilleux latino-américain a l’avantage de nous ramener à la forme latine (mirabilia) qui a donné naissance au merveilleux français. Comment penser une ontologie qui partirait d’une conception de soi et du monde empreint de miracle et de surnaturel ? De plus, comment le merveilleux latino-américain peut-il nous aider à comprendre l’autre ou constituer une invitation à faire l’expérience de l’autre ?

 

            Enfin, ce colloque vise à reconsidérer, sous d’autres angles, ce qu’on a coutume d’appeler le désenchantement du monde, en prenant acte de l’émergence aujourd’hui d’un émerveillement qui succède cette fois à la science. Il compte offrir un lieu d’échanges publics entre chercheurs provenant de domaines aussi divers que la philosophie, la théologie, l’art, la littérature, l’anthropologie, la psychologie et la biologie.